Jeudi 26 mai, le soir : arrivée du ferry sur l’île d’Ebée et bivouac en forêt.
La traversée en ferry est assez longue car nous passons par l’ïle de Skopélos. La vue sur la principale ville de l’ïle est très sympa. Cela donne envie de revenir pour découvrir le coin (qui est parait il moins touristique que Skiathos). Les environs de l’île sont aussi connus pour leurs dauphins. Avec Mathis, nous nous mettons en faction à la rambarde du ferry. Il faut être patient et chanceux. Nous seront les 2 ! Deux dauphins jaillissent de sous le ferry juste sous nos pieds !
Le ferry nous dépose au milieu de nulle part. Pas un village en vue, juste le ponton en béton et un bus qui attend les passagers pour les emmener à Athènes. Ils y seront certainement ce soir. Pour nous, ce sera dans 3 ou 4 jours ! Nous longeons une forêt de plots en béton, ceux qui servent pour faire les digues et nous bifurquons vers l’intérieur de l’ïle. L’objectif est de la traverser dans la largeur. Mais l’ascension est prévue pour demain. Aujourd’hui, nous allons juste nous approcher du début de la montagne pour y passer la nuit.
Nous prenons un chemin de terre qui serpente dans une magnifique forêt de pins et de fougères. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas vu ce genre de paysage, si vert, ombragé et paisible. Il n’y a encore pas si longtemps, la forêt recouvrait l’ensemble de cette grande île (la deuxième de Grèce après la Crête) mais le nord de l’île a été victime d’un terrible incendie en août dernier, ravageant plus de 50 000 hectares de forêt. L’incendie était visible depuis l’île de Skiathos, où des pécheurs sont même partis en bateau pour aller évacuer des habitants coincés sur les plages Heureusement, notre itinéraire ne passe pas par là.
Sur les pins, un peu partout, des sacs sont accrochés aux troncs pour en récupérer la résine. C’est une activité importante sur l’île d’Eubée. La résine du pin sert à faire des colles industrielles, des cosmétiques, de la peinture, ou le vin traditionnel grec (retsina, le « résiné »).
Nous longeons aussi un petit cours d’eau que nous apercevons par moment. L’idée de trouver un bivouac proche de l’eau n’est pas pour nous déplaire. Aussi, dès que nous trouvons un espace assez large pour accueillir 2 tentes, nous mettons pied à terre.
Aussitôt les tentes montées, nous filons au bord de l’eau. Elle est claire, fraîche et pleine de tétards. Sur quelques mètres, un grand trou s’est creusé dans le sable, permettant de s’immerger totalement. Nous n’avons pas pédalé beaucoup mais suffisamment pour prendre un bon coup de chaud. Cette eau est un vrai bonheur !
Vendredi 27 mai : ascension éprouvante en pleine fête religieuse
Réveil matinal car nous avons une importante ascension à faire ce matin. Comme il fait un peu plus frais dans la forêt, nous partons sans prendre le petit déjeuner et faisons une pause au soleil un peu plus loin. Petite portion de route puis nous reprenons un chemin. Déjà, nous avons remarqué des stationnements bizarre de véhicules, des familles qui semblent attendre le long de la route. Le passage d’un petit cours d’eau nous occupe un instant : les enfants le franchissent sur un énorme tronc d’arbre déraciné. Mais la descente côté racines n’est pas si facile que ça, et je suis obligée d’aller récupérer Mathis, petit chat coincé dans son arbre.
Maintenant, il n’y a plus le choix, c’est la route et ça monte. 600m de dénivelé, sur une vingtaine de km, nous l’avons déjà fait plusieurs fois. La difficulté réside dans le % de la pente, la chaleur et le mental. Et aujourd’hui, je me sens moyennement en forme …
Nous ne sommes pas seuls sur la route. De l’autre côté, en descente, nous voyons arriver de petits groupes de personne. Un bus en panne ? C’est notre première supposition mais cela ne colle pas trop. Il y a vraiment des gens de tous les âges, des familles, des groupes d’ados, des sportifs et d’autres qui traînent un peu la patte … Je finis par interpeller des gens au hasard, jusqu’à en trouver un qui parle un peu anglais. C’est une fête religieuse, un anniversaire. Il faut marcher jusqu’à une église. Nous n’en saurons pas plus. Manifestement il n’y a pas d’heure précise pour faire cette marche ni de cérémonie à l’arrivée car dans l’autre sens, on ne compte plus les pick-up qui nous ont doublé, musique à fond, l’arrière plein de gens, de chaises, de couvertures. Certains font même des aller-retour pour ramener les gens chez eux. Et plus l’heure tourne, plus les voitures roulent vite. Un peu plus loin, un centre de secours a même été installé dans une prairie et les pompiers sont garés dans une allée forestière, prêts à intervenir. Moi qui pensait que nous allions traverser un territoire isolé !
Aujourd’hui, j’ai finalement percé le mystère de ce pèlerinage. C‘est une fête locale qui commémore la mort de Saint Jean le russe. Les reliques de son corps se trouve à Prokopion, un village situé à quelques km de la mer. Nous sommes passés tout près ce matin sans savoir que c’était un jour spécial pour les gens du coin.
Enfin, nous arrivons au sommet. La pause pique-nique est plus que bienvenue. Cette grimpette aura été éprouvante. Pourtant, nous venions de nous poser 2 jours à Skiathos … Pas de longue pause, nous repartons en pleine chaleur pour encore quelques efforts avant d’entamer une longue descente. Sur un joli chemin, Michaël nous laisse passer devant pour faire une photo. « Mettez vous au milieu » dit il. Puis j’entends vaguement « à gauche ». Je me décale un peu puis je laisse filer le vélo dans la descente. En fait, il fallait tourner à gauche … Oups ! Tant pis, c’est trop tard, pas question de remonter ! Nous finissons le trajet jusqu’à la mer en espérant qu’il y a bien un passage au niveau de l’espèce de site d’extraction de minerai qu’on peut voir sur maps. Ouf, les rails qui vont jusqu’au petit port passent sur un pont au dessus de la route !
Nous continuons à longer la mer. Nous avons vaguement en tête l’idée de bivouaquer mais le bord de mer n’est pas très hospitalier (des cailloux, puis une zone marécageuse, le tout en plein soleil). Les enfant ne l’entendent pas de cette oreille et essaient de nous persuader de nous arrêter dans des endroits invraisemblables sans un coin d’ombre.
Nous continuons à longer la mer. Nous avons vaguement en tête l’idée de bivouaquer Finalement, la route s’éloigne du rivage et nous retrouvons une nationale très chargée en cette fin de semaine. Au bout, la ville de Néa Artaki. Coup d’oeil sur booking : et hop, un appart nous attend tout près de la plage. Il est déjà 18h30. Le temps de monter sacoches et vélos (par l’escalier) jusqu’à l’appart, il est trop tard pour ressortir. La plage, ce sera pour demain les enfants !
Je fais tout de même une petite promenade à 21h pour découvrir le quartier. La température est juste parfaite. Les restaurants ont dressé de petites tables presque les pieds dans l’eau. Les gens qui se promènent dans la rue discutent avec ceux qui sont sur leur balcon. Le parc est plein d’enfants et un peu à l’écart, les bancs sont squattés par des ados. (surtout des filles assises 2 par 2, plongées dans d’intenses discussions). Au pied d’une falaise, des enfants traquent les crabes avec leur épuisette. Cela me rappelle Andernos, l’ambiance du bassin. Dans ce genre d’endroit, on ralentit, on respire, on vit.
Comme promis hier, ce matin, c’est repos, enfin jusqu’à 10h car on a tout de même une étape de vélo à faire. J’emmène les enfants dans les coins que j’ai repéré hier. Nous passons un moment sur la plage tranquille, presque déserte, puis je les conduits au pied de la falaise, sur les rochers. D’abord réticents à quitter le sable, ils découvrent soudain les crabes qui vivent ici. Ils sont de bonne taille. Moi-même, je ne m’attendais pas à ça ! Nous les pistons dans les trous d’eau. Tant qu’ils restent tranquille, ils sont presque invisibles. Leur carapace se confond avec les rochers.
J’en repère un qui se prélasse dans l’eau : A l’aide d’un petit bâton, j’essaie de le faire bouger : il dresse soudain en l’air d’énormes pinces multicolores. Il est magnifique ! Il file se cacher mais nous en trouvons un autre. Léa hurle à chaque fois que les crabes montrent leur pince. Et c’est vrai qu’ils sont impressionnants. Je ne mettrais pas une bestiole comme ça dans une petite épuisette de rien du tout !
Retour à l’appart alors que la température commence à monter. Nous étions bien à la plage à la fraîche ! Mais maintenant, il va falloir supporter la chaleur sur les vélos. Aujourd’hui nous quittons l’île d’Eubée par un pont et nous allons longer la côte vers l’ouest. L’ itinéraire pour sortir de la ville nous fait grimper sur une colline. J’ai vraiment l’impression qu’on a choisi la rue qui passe par la plus haute bosse ! La plupart du temps, les rues sont plantées d’orangers (oranges amères malheureusement). Parfois de citronniers (on ne manque pas de citrons dans les sacoches). Mais là, c’est un beau néflier qui fait de l’ombre aux passants. Vite, je me gare sur le côté et avec Gaëtan, nous en ramassons quelques unes.
Nous rejoignons à nouveau le bord de mer et roulons le long d’une jolie pinède. Nous aurions tout à fait pu bivouaquer ici. Il faudrait qu’on passe plus de temps en repérage sur google maps pour anticiper les bivouacs … Nous arrivons au pont en même temps qu’un cycliste. Comme j’hésite à m’engager sur la route assez chargée, il me fait signe de le suivre et se met en plein milieu de la voie pour obliger les voitures à s’écarter. Il donne même de grands coups de pieds aux voitures qui passent trop près ! Les enfants adorent et depuis, ils ne pensent qu’à l’imiter !
L’ autoroute pour Athènes file droit dans les terres mais de notre côté, nous restons sur les petites routes du bord de mer. Au milieu de nulle part, se trouvent les ruines oubliées d’un temple d’Artémis (déesse de la chasse). Nous alternons bord de mer et campagne. L’eau est magnifique, transparente, avec de jolies variations de couleurs vertes et bleues ponctuées de méduses. Comme elles sont assez foncées, on les voit de loin ondoyer avec les vagues, poussées jusqu’au rivage par un vent qui va en grandissant.
La plupart des maisons du bord de mer sont fermées, probablement des résidences secondaires. Les nèfles sont en train de sécher sur les arbres alors, nous nous dévouons pour en cueillir lorsque l’arbre se trouve au bord du grillage. Elles sont tellement bonnes !
Ce midi (enfin, c’est une façon de parler car il est plutôt 13h30), nous mangeons dans un restaurant au bord de l’eau. Nous nous sommes assis un peu au hasard et pour une fois, c’est un peu plus évolué que d’habitude et spécialisé fruits de mer. La carte est même traduite en français ! Cela n’empêche pas les surprises car ce qui est nommé « couteau courbé » se révèle être des sortes de moules (tout de même délicieuses).
Le vent se transforme en tornade. Cela n’empêche pas les gens de s’empiler sur des transats,, serrés comme des sardines. Le week-end, la séance bronzette, c’est sacré ! Encore plus fort que les marseillais : les motards grecs ! Sur le parking de la plage, nous sommes dépassés par une moto dont le conducteur se tient debout sur le siège !
Enfin, nous apercevons au loin notre destination. Michaël a repéré une petite chapelle au milieu d’un parc où nous espérons pouvoir mettre la tente. Mais à notre arrivée, nous hésitons un peu. Tout d’abord, il y a des grilles à l’entrée du parc, ce qui peut laisser penser qu’il est fermé la nuit. Ensuite, il y a pas mal de monde devant l’église car il va y avoir un baptême. Nous nous avançons tout de même jusqu’à la fontaine en étudiant les lieux. Le pope nous aperçoit et vient nous voir. Il demande leur prénom aux enfants puis leur offre des images de Marie et de Jésus. Du coup, je lui demande si nous pouvons camper ici. Il hésite puis nous déconseille de le faire. Non pas qu’il nous l’interdise, mais il explique que l’endroit n’est pas sûr le soir. Point positif, il affirme que le parc n’est pas fermé la nuit.
Nous restons là pour observer le début du baptême. La cérémonie commence à l’extérieur et il y a de nombreux rituels. J’aperçois la mère qui souffle 3 fois dans l’air tandis que le père crache par terre. Au bout d’un moment, ils entrent dans l’église. Puis nous apercevons la petite fille (environ 2 ans) enveloppée dans une grande serviette blanche. Elle a été plongée nue dans un bassin.
L’ heure tourne et nous sommes toujours indécis sur la suite : on reste ici ou on cherche un autre endroit ? Il y a bien des plages plus loin mais sans aucune garantie qu’on pourra s’y installer, surtout un samedi soir. Ici, c’est calme, plat, avec une belle vue sur la mer, et à l’abris du vent. N’arrivant pas à nous décider, nous allons nous installer un peu plus loin pour faire manger les enfants (après le restau de ce midi, je ne peux rien avaler !).
Le baptême s’éternise. Alors que le soleil se couche, des gens viennent se promener dans le parc mais ce sont des familles ou des gens qui promènent leur chien, rien de très inquiétant ! Il y a 2 entrées pour le parc et le petit portail est cassé. Nous avons maintenant la certitude que le parc n’est pas fermé la nuit. Cela suffit à nous décider et nous commençons à monter les tentes à l’extrémité du parc. Les enfants s’éclatent en courant dans les allées. En quittant l’église le soir, le pope passe près de nous et nous salue sans faire plus de commentaire. Personne ne viendra nous déranger de toute la soirée.