Dimanche 17 avril : comme prévu, il pleut !
Ce n’est pas le déluge annoncé mais il pleut quand même presque toute la journée et la température chute fortement. Si j’ai, un temps, eu l’ambition d’aller au musée ethnologique aujourd’hui, je laisse assez vite tomber. Une journée au chaud dans notre chambre confortable, c’est bien aussi. De temps en temps, je vais voir ce qu’il se passe dans celle des enfants : une fois je les trouve en train de jouer tranquillement sur la moquette et la fois suivante, ils sont en train de sauter sur les lits avec la musique à fond. C’est vraiment bien insonorisé comme hôtel !
Aujourd’hui, c’est Pâques en France mais pas en Bulgarie. C’est une question de calendrier : julien ou grégorien, il faut choisir ! C’est aussi ça les voyages, l’occasion d’apprendre des choses à partir de cas concrets. Alors en gros, Jules César a mis en place le calendrier julien, qui n’était pas si mal : 365 jours par an et 366 tous les 4 ans. Mais avec ce système, on se décale un peu par rapport à l’année astronomique qui est un poil plus courte. Pas grand chose, 12 minutes par an. Mais au bout de 1000 ans, ça fait déjà 8 jours. Au bout d’un moment, ça a commencé à se voir que le solstice de printemps ne tombait plus le 21 mars. En 1582, le pape Grégoire fait passer au calendrier Grégorien : il rattrape 10 jours d’un coup et supprime certaines années bissextiles pour éviter le décalage. Nous vivons avec ce calendrier mais certaines églises orthodoxes utilisent toujours le calendrier julien pour calculer la date de Pâques. Du coup, cette année, Pâques est le 24 avril dans certains pays orthodoxes (le décalage varie selon les années mais je vous épargne le cours sur le calcul de la date de Pâques !). Mais comme il fallait bien s’amuser un peu aujourd’hui, j’ai quand caché les œufs en chocolat dans la chambre des enfants (et puis, ça fera toujours ça de moins à porter pour la montée !).
Le casse tête de la météo
Cela fait 3 jours que nous étudions la météo à Plovdiv, Peshtera, Batak et Vélingrad pour adapter au mieux notre itinéraire. Jusqu’à Batak, nous avons 950 m de dénivelé (ensuite ça descend jusqu’à Vélingrad où nous nous poserons quelques jours). Pour ne pas tout faire d’un coup, nous avons prévu une étape à Peshtera. Mais il faudra quand même faire Peshtera-Batak en une fois (700 m en 20 km), car il n’y a aucun village entre les 2. Et la difficulté principale sera certainement le froid et la pluie. Après réflexion, nous décidons de partir demain, lundi pour aller jusqu’à Peshtera.
Lundi 18 avril : de la pluie, du froid mais quand même du chocolat
En rangeant mes affaires ce matin, je suis retombée sur les notes prises à Bankya lorsque nous discutions du parcours avec Rumi et Georgi. Et j’ai vu « Plovdiv – très bon chocolatier français – Gaillot ». Mince, j’avais carrément oublié ! Mais coup de bol, la chocolaterie est sur notre trajet, à environ 8km. Voilà un bon objectif pour commencer la journée !
Il bruine dehors mais il n’a pas l’air de faire trop froid. Pour éviter de transpirer sous les vestes étanches, on ne s’habille pas trop chaudement. Erreur, j’ai sous estimé le froid. Sur les 3 premiers km, nous nous arrêtons plusieurs fois pour ajuster l’équipement. Léa, sur le vélo enfant, a les mains gelées malgré les gants d’hiver. Et nous n’avons pas vraiment de solution pour l’aider.
Nous longeons un bassin d’aviron. Malgré le temps, il y a des gens qui s’entraînent à la course en ligne en canoë. C’est bien la première fois que je vois ça.
Une pause cacao !
Nous arrivons enfin devant la chocolaterie. Les enfants n’attendent qu’une seule chose : se mettre au chaud ! A l’intérieur, nous tombons directement sur le fondateur, un français originaire de Lyon, qui s’est installé ici avec sa femme il y a 8 ans. Venus changer de vie et tenter une nouvelle aventure en se consacrant à une de leurs passions, on peut dire que c’est un pari gagné ! Les visites guidées n’ont plus lieu pour l’instant (comme beaucoup de choses mises entre parenthèse depuis la covid), mais nous avons droit à un petit aperçu de l’atelier depuis le couloir et quelques explications sur la fabrique du chocolat. Cela vient bien compléter ce que nous avions appris en Colombie.
Ici, les fèves viennent du Mexique. Notre guide nous explique que les gens sont souvent surpris d’apprendre qu’il faut du temps pour faire du bon chocolat. Par exemple, les fèves (et les ingrédients nécessaires à la recette comme le sucre, le beurre de cacao etc) passent 3 jours dans le moulin à pierre pour obtenir la texture souhaitée. Une fois la masse de chocolat ainsi constituée, elle repose 10 jours. Cela permet aux différents arômes de se lier, s’harmoniser. Ce n’est qu’après que la masse est fondue pour être tempérée et mise en tablette.
Ce qui me frappe et m’impressionne surtout, c’est l’originalité des produits présentés. Il y a tout d’abord la gamme musicale, car notre chocolatier est également un musicien. Faire des accords musique-chocolat, ce n’est pas que du marketing, mais une affaire de palais et d’oreille. J’ai adoré l’idée. Nous choisissons le jazz et l’opéra. Dans les chocolats aromatisés, nous craquons pour la tablette à l’eau de rose (Bulgarie oblige). Il y a aussi une gamme au sucre de coco et une autre « sans lactose, sans fructose ».
Encore une idée originale : une infusion au cacao réalisée avec les enveloppes des fèves de cacao (vous vous souvenez, on les enlève après la cuisson). C’est moins fort que le café mais cela contient tout de même un petit stimulant.
Mais s’il y a bien une chose que je ne pensais pas trouver en Bulgarie, c’est du jus de cacao. En Colombie, j’avais réalisée un rêve : goûter le mucilage de la fève de cacao, cette chair blanche ultra parfumée qui enveloppe les fèves. Et bien ici, ils reçoivent le mucilage congelé et avec ils fabriquent du jus ! Je savais déjà que ça existait (en particulier dans le pays basque) et j’avais prévu d’en commander à la fin du voyage. Finalement, pas besoin d’attendre jusque là !
Avec tout ça, on n’est pas en avance !
Nous repartons un peu plus chargés qu’avant mais réchauffés et surtout motivés pour pédaler un bon coup car on n’a pas fait grand chose et il est déjà 11h30 … Nous roulons assez bien jusqu’à 13h (toujours sous la bruine) et faisons une pause à Novo Selo, juste avant la grimpette. Une cliente qui parle un peu français vient nous aider pour la commande (bon, cette fois-ci la carte était aussi en anglais, alors on aurait pu se débrouiller tout seul mais nous apprécions l’intention). Notre table se remplit très vite de tout un tas de choses que nous partageons et le patron nous offre du thé bien chaud.
C’est reparti sans la pluie, et une fois la bosse passée, nous roulons dans une campagne de vergers et de champs de fraises. Mais nous continuons à grimper doucement et c’en est fini des plantations. Place à la forêt et aux pâturages pour les moutons. A Peshtera, nous avons réservé une chambre familiale sur booking. Elle est immense et entièrement vitrée sur 2 côtés. C’est assez impressionnant. Heureusement que nous avons réservé car sans cela, nous aurions probablement trouvé porte close. Nous avons en effet un peu l’impression d’être les seuls clients ici et nous ne reverrons plus personne à la réception jusqu’à notre départ, le sur-lendemain ! (bon, on n’aurait pas été à la rue, nous avons vu de nombreux hôtels en ville). L’avantage, c’est qu’on a pu stocker les vélos dans le couloir.
Mardi 19 avril : repos en scrutant la météo.
Ce n’est pas tant qu’on ait déjà besoin de repos que l’attente du créneau favorable côté météo. Finalement, à Peshtera, il fait plutôt beau mais il est toujours prévu de la neige à Batak dans la journée. Nous profitons donc de notre grande chambre et du parc juste à côté. On verra bien demain si notre plan était le bon. En attendant, on déguste le chocolat, le jus de cacao et la tisane de cacao ! Miam !
Mercredi 20 avril : c’est reparti !
J’ai essayé de motiver les enfants sans les stresser mais pour moi, cette étape est peut être une des plus dures du voyage (en fait, c’est moi qui suis stressée !!!). Un peu plus de 700 m de dénivelé dans des conditions climatiques un peu difficiles (le froid m’impressionne plus que les fortes chaleurs estivales).
Nous partons tout de même dans de bonnes conditions : pas de pluie, pas de vent. On attaque la montée quelques km après la sortie de la ville, avec une pente à 9%. Gaëtan fait les premiers 5km sur le vélo enfant. Autour de nous la montagne s’ébroue ! Cela coule de tous les côtés (on imagine aisément la neige qui fond plus haut en altitude). En gouttelettes, en filets d’eau, en ruisseaux, en cascades …
Au bout de 8 km, nous avons de la neige sur le bas-côté. Gaëtan reprend le vélo enfant pour soulager Léa qui a mal au ventre. Il faut dire que ça contracte bien les abdos de grimper comme ça !
Avec le froid, personne n’a vraiment envie de faire de pause. Les arrêts pour changements de vélo sont chronométrés ! Soudain je voit Michaël faire une pause non prévue. Un souci technique ? Non, je le vois frictionner Mathis. Le pauvre a les larmes aux yeux et les pieds complètement gelés. Il faut dire qu’il doit faire entre 2 et 4 degrés si on en croit nos compteurs de vélo. Et Mathis s’active moins que nous. Je lui rajoute une de mes paires de chaussette bien chaudes et nous lui remettons ses chaussures en espérant qu’il ne sera pas trop comprimé. Gaëtan, qui attend sur l’autre tandem commence lui aussi à se plaindre des pieds. Il n’y a qu’une chose à faire, repartir et finir cette ascension. La bonne nouvelle, c’est que Batak est bien plus près que ce que je pensais. A 11h45, après 16km et 3h de vélo, nous arrivons dans le village et filons dans un petit bistrot bien chauffé (timing parfait, il commençait à bruiner).
Les enfants se jettent sur la soupe au poulet. Personnellement, je suis tellement tendue que je n’ai pas faim. Tout le mode reprend du poil de la bête. Vu l’heure et le soleil qui a fini par se montrer, nous décidons finalement de pousser jusqu’à Vélingrad, à 20km d’ici. Il nous reste 3km de montée, puis un petit plateau et une longue descente qui va nous ramener à 750m d’altitude et devrait nous faire gagner quelques degrés.
Nous repartons de Batak en forme et sans regret. Je craignais que Mathis refuse de repartir mais la pause lui a fait du bien et il s’endort à peine monté sur le vélo. A moins qu’il ne se soit mis en hibernation.
Une fois sur le plateau, nous longeons un lac qui doit être très sympa en été. Lorsque nous avions préparé l’étape, j’avais trouvé tout un tas de logement sur Maps, mais maintenant que nous y sommes, je doute qu’il y ait quoi que ce soit d’ouvert à cette saison. Tout cela fait très maison de vacances.
En bas de la descente, nous traversons une petite ville et profitons d’avoir un peu de réseau pour finaliser notre réservation à Vélingrad. C’est une importante ville thermale et nous allons y rester jusqu’au dimanche de Pâques. Pour une fois, les hôtels risquent d’afficher complet. Et en effet, les offres se sont déjà bien réduites depuis hier. Nous optons pour un hôtel avec un petit centre de spa, histoire de profiter des eaux chaudes dès notre arrivée et c’est reparti pour les 15 derniers km (l’hôtel est au fin fond de la ville !), avec du vent de face.
Gros soulagement d’être arrivés avec un équipage finalement plutôt en forme et avec le moral (le gros pot de bonbons sur le comptoir de la réception n’y est pas étranger !). Sitôt dans la chambre, les enfants réclament à grands cris le sac des maillots de bain ! On s’équipe en dévorant une partie du pique nique qui n’a pas servi (mais maintenant, j’ai bien faim !).
Le centre de spa comprend sauna, hammam, bassins tièdes et jacuzzi chaud. C’est dans ce dernier que je reste 1h à barboter. Si j’avais eu un oreiller, j’aurais même pu y commencer ma nuit !