Jeudi 19 avril : 50km à fond la caisse et encore une rencontre hors du commun !
Ce matin, malgré les bonnes résolutions, c’est dur de se lever avant 8h. Mais ce n’est pas très grave car la proprio nous permet de rester aussi longtemps que nous le voulons.
10h, direction l’ancienne mosquée et les anciens bains turcs. Nous marchons le long du canal et 1km plus loin nous y sommes. La mosquée n’a pas grand intérêt. Elle est entièrement vide et il reste très peu des décorations d’origine. La petite exposition d’objets issus des fouilles réalisées dans le coin est uniquement légendée en grec. Bref, nous y restons 5 minutes et allons voir les bains juste à côté. Nous hésitons un peu à l’entrée de la grande salle car un groupe scolaire est assis sur les bancs et écoute une explication du conservateur du musée. Celui-ci nous fait signe d’entrer (de toute façon plus aucun élève ne l’écoutait car ils s’étaient tous retournés pour nous regarder). Il nous donne une brochure en anglais et nous filons dans la pièce voisine.
Les bains accueillent une exposition de peinture et dans la salle où nous sommes, ce sont surtout des femmes nues. Cela pourrait sembler approprié pour des bains, mais l’ambiance ne correspond pas vraiment à la pudeur qui devaient tout de même régner dans ces lieux à l’époque !!! Nous visitons plusieurs salles : la salle froide, la salle tiède et la salle chaude. Tout est en double vu qu’il y avait une partie pour les hommes et une pour les femmes. Il ne reste plus grand chose des installations car le bâtiment a ensuite été transformé en prison mais on peut voir l’ancien système de chauffage au sol. Rien de bien nouveau en somme. Le panneau le plus intéressant concerne les explications sur la tenue de base d’une personne qui vient au bain. On y découvre d’étrange sandales sur échasses. Elles avaient pour fonction de ne pas glisser à cause de l’eau sur le sol mais aussi de ne pas se brûler les pieds.
La visite nous occupe jusqu’à 11h30 puis nous rentrons tranquillement pour manger dans notre appart (j’en profite pour préparer une grosse ratatouillle qui nous fera aussi le repas du soir). Il est déjà 14h15 lorsque nous partons enfin. Tout le monde est persuadé que l’on va faire une petite étape mais le profil est bien plat, et la température parfaite. En effet, il a plu une bonne partie de la nuit et cela a considérablement rafraîchit l’atmosphère. Du coup, je me dis qu’il y a moyen de faire une étape honorable. Je taquine un peu Léa pour lui donner un peu la niaque (elle aime bien les défis) et Mic démarre sur un bon rythme (20 km/h !). S’il n’y avait pas ce vent de face, on pourrait même aller plus vite. Toujours est-il que Léa tient le choc et à peine plus d’1h plus tard, nous avons fait nos 20km. Gaëtan prend le relais et même si nous ralentissons un peu (et perso, ça m’arrange bien), nous continuons à avaler les km. Nous apercevons au loin les carrières que nous avions longées il y a quelques jours à peine, lorsque nous allions aux météores. On pourrait presque repasser par la maison abandonnée (les enfants aimeraient bien aller fouiller pour trouver d’autres carnets de dessin !).
Nous faisons une petite pause à l’ombre lorsqu’un cycliste vient bavarder quelques minutes. Il nous explique que les 2 dernières années, le printemps a été pourri et qu’à la même époque, les terres étaient complètement inondées. « C’était la mer ici ! ».
La campagne défile et nous passons plusieurs petits villages. Maintenant que la saison des acacias est terminée, c’est la rose que nous sentons dans les ruelles. Il y en a dans tous les jardins ! Dans le dernier village, la terrasse du petit bistrot est pleine à craquer. Que des hommes, 50-60 ans, un vrai cliché ! Mais l’atmosphère y est sympathique, c’est le moment de détente après la journée de travail.
Pour nous, il est temps de chercher un bivouac mais pas un m² de libre en lisière des champs. Nous approchons d’une colline plantée d’arbre mais malheureusement clôturée. Je vais explorer une petite bosse non cultivée au bout d’un chemin de terre. Mais les herbes arrivent à la taille des enfants et il n’y a rien de plat. Nous ressortons de cette expédition les vêtements plein de petites boules de bardane et les chaussures transpercées par des espigaous (les bouts pointus en forme de flèche qui tombent des graminées lorsqu’ils sont secs, appelés aussi épillets). Mais nous n’avons pas fait tout cela pour rien. De l’autre côté, je tombe sur un chemin assez large, plat, sans herbe, peu visible et manifestement peu utilisé. Adjugé !
Lorsque Michaël me rejoint, il m’explique qu’une voiture est passée 2 fois sur la route et que son conducteur l’a bien observé (il a une vielle ford fiesta rouge, facile à reconnaître). Cela arrive souvent et de toute façon, nous ne cherchons pas à nous cacher, juste à rester discrets. Sur la colline d’en face, le vacher est parti avec ses vaches. La fin de journée est magnifique. Nous sommes en train de monter les tentes lorsque la voiture revient par le petit chemin de terre. Le conducteur s’arrête et vient nous voir. Il nous pose des questions en grec et regarde notre campement et les vélos en se grattant la tête. On sent bien dans son regard la perplexité et la curiosité. Peut être aussi un peu de frustration de ne pas arriver à communiquer. Grace à des sites de traduction, je lui donne, au hasard, des informations sur notre voyage, en espérant que cela correspond à ses attentes (nous n’arrivons pas à avoir la fonction vocale qui faciliterait les choses). Enfin, l’homme repart..
Nous sommes en train de manger lorsque le bruit d’une voiture se fait de nouveau entendre : c’est encore notre homme ! Il sort de sa voiture avec un sac et nous distribue des boissons gazeuses et des petites friandises aux amandes. Cette fois-ci, une petite photo souvenir !
La nuit tombe. Cette fois-ci je dors avec Gaëtan dans la petite tente. Les vélos sont bâchés et chacun dans sa tente en train de faire son carnet de voyage lorsque le bruit d’une voiture qui se rapproche se fait entendre (c’est un peu un jour sans fin cet article !!!). La voiture s’arrête. Avant même d’ouvrir la tente, je sais très bien de qui il s’agit ! La frontale sur la tête, nous ressortons et notre homme nous tend une boîte en carton qui contient 3 brochettes (des souvlakis, une spécialité grecque) ainsi que des frites. Nous le remercions chaleureusement tout en espérant qu’il ne soit pas déçu de nous trouver dans nos tentes prêts à dormir. Je ne voudrais pas qu’il se dise qu’il nous a apporté tout ça pour rien. Cette fois-ci, il ne s’attarde pas et disparaît dans la nuit. Les brochettes sont encore chaudes, il faut y faire honneur ! Alors c’est reparti pour un deuxième dîner. Léa et Mathis préfèrent rester dans la tente mais Gaëtan vient nous aider à manger les frites (une fois que je lui ai fait la promesse qu’il n’aurait pas à se relaver les dents !!!). C’est vraiment le cadeau le plus incroyable qu’on nous ait fait. Les enfants sont surexcités et mettent de la musique. Ce soir, c’est la fête !!! Je me demande s’il va venir nous apporter le café demain matin ?
Vendredi 20 avril : record de km battu malgré le vent de face et on fête ça avec des tsipouro !
Nous roulons en direction de Volos et comme il reste environ 90 km, presque plats, je me suis dit que ce serait pas mal si on le faisait en une seule étape pour ensuite se reposer là bas. En effet, bivouaquer à 30 km d’une grande ville et du bord de mer n’a pas beaucoup d’intérêt. Aussi, le réveil sonne tôt malgré le coucher tardif hier soir.
Notre homme ne réapparaît pas ce matin. C’est un agriculteur et nous nous disons qu’il doit probablement déjà se trouver dans ses champs. Il nous a d’ailleurs semblé voir passer sa voiture sur la route en contrebas ce matin. Mais comme nous allons passer dans son village, nous préparons en vitesse une boîte en origami (celle de Tomoko Fuse, je me demande si Renée saurait toujours en faire, elle qui nous avait tant aidés à en préparer pour notre mariage !!!). Nous avons en effet avec nous un petit paquet de feuilles pour origami que nous gardons précieusement pour faire des cadeaux aux gens qui nous ont particulièrement marqué).
Nous prenons le chemin avec les vélos et débarquons assez vite sur une route goudronnée (voie sans issue qui mène à une petite église). Le village est au bout, à peine quelques maisons. Nous pensions déposer notre boîte cadeau au café du village mais pas sûr qu’il y en ait un. Par contre, nous tombons assez vite sur une dame bavarde qui arrose ses fleurs. Je lui montre la photo de notre homme et aussitôt elle nous indique une maison 50m plus loin. Pas de doute, la voiture est garée devant ! Nous nous arrêtons devant son portillon et les enfants s’approchent de la porte, la boite à la main. Ils n’ont pas besoin de frapper, la porte s’ouvre et notre homme et sa femme sortent. Ne sachant trop quoi dire, Léa tend leur tend la boite. Il la prend et l’ouvre, en s’attendant manifestement à trouver quelque chose dedans ! Puis nous regarde d’un air interrogateur. Manifestement, il n’est pas sensible à l’art subtil de l’origami 🙂
Google lui explique que c’est un cadeau fabriqué par les enfants. Entre temps, les voisines ont rappliqué et chacune y va de son petit commentaire. On me propose un café mais cette fois-ci, je décline. Nous avons un record à battre et la barrière de la langue est tout de même un vrai frein. Une dernière photo souvenir et une adresse postale griffonnée sur un bout de papier (en alphabet grec) et c’est reparti.
Nous roulons bien malgré le vent de face. Il a au moins l’avantage de limiter la sensation de chaud et de transpiration (il nous sèche sur place !). Pour midi, nous espérons trouver un petit café qui sert des mezzés (ces petits plats qui viennent avec des boissons) mais les villages que nous traversons sont absolument déserts, comme pétrifiés sous la chaleur. Même pas une épicerie. Finalement, nous arrivons à un endroit avec 2 bars côte à côte. L’ un est plein d’adolescents bruyants et l’autre désert. De toute façon, ils ne servent pas à manger. Pas d’épicerie non plus. Une camionnette passe dans les rues pour vendre des fruits et des légumes mais elle est toujours trop loin et ne voit pas nos signes. Tant pis, nous nous installons à l’ombre sur la place principale et nous vidons les sacoches. Finalement, nous avons largement de quoi manger (et c’est pas mal de temps en temps de finir tous les restes).
Michaël a ressorti les tentes pour les faire sécher au soleil. Une dame s’imagine que nous allons planter la tente ici (à midi, en plein milieu du village !!!) et vient nous avertir qu’il va y avoir une grande cérémonie religieuse le soir avec beaucoup de monde ! Une autre passe en voiture et nous demande si nous avons besoin de quelque chose. Elle est prête à aller nous faire des courses ! Une fois les affaires rangées, nous nous installons au café désormais désert (les jeunes ont du retourner en cours) pour une pause toilette/glace/cappuccino. L’église est juste en face et le pope est en train d’installer un micro sur une petite estrade. A l’intérieur, l’église est toute décorée de rubans et de fleurs. Le cappuccino est servi avec une petite bouteille d’eau. 2ième café, 2ième bouteille. Le monde est envahi de ces satanées bouteilles en plastique. Et tous les jours, je pleure en les voyant dans les fossés au bord de la route.
Comme souvent avec les grandes villes, l’arrivée vers Volos n’est pas très agréable. Nous sommes obligés d’emprunter une 2×2 voies et avec la fatigue, je ne me sens pas très à l’aise, même si la circulation est assez faible. Enfin, nous surplombons la mer et commençons une longue descente vers la ville. Après quelques détours et rues en sens interdit (qui me font hurler, mais comme je suis derrière, je n’ai plus qu’à suivre), nous arrivons dans une petite rue calme plantée d’orangers. Les proprio sont déjà là et viennent nous accueillir. Ce n’est pas souvent que cela nous arrive car la plupart du temps, nous avons juste des instructions pour récupérer la clé dans une boite. Mais cet appart est un peu leur bébé et ils ont à cœur que tout soit parfait (et peut être aussi voir à qui ils ont affaire). Ils nous aident à installer les vélos dans l’arrière cour et à monter nos affaires, nous donnent plein de conseils sur le quartier et les endroits à visiter. Mais surtout, ils font un truc qui va changer notre soirée : ils nous règlent netflix en français !
Nous n’avons pas prévu de passer beaucoup de temps à Volos mais nous avions repéré une chose : c’est la ville des tsipouradika : des restaurants où on commande une minuscule bouteille de tsipouro (l’équivalent d’un verre d’Ouzo) et il arrive accompagné de mezze (beaucoup de fruits de mer à Volos). C’est exactement le genre d’endroit où c’est pénible d’aller avec des enfants (d’autant plus que les moules ou les sardines grillées ne les font pas rêver). Mais ce soir, l’affaire est vite réglée : une assiette de pâte, un dessin animé sur netflix et ciao bambino !
C’est en juste en amoureux que nous partons pour un tsipouradiko à 6 minutes de chez nous. Dans une petite ruelle, quelques tables, ambiance décontractée. Pour les tsipouro, il y a 2 options : avec ou sans anis. Nous prenons un de chaque. Les petites bouteilles n’ont pas d’étiquette. Seule la couleur du bouchon permet de les différencier, mais à l’odeur, aucune confusion n’est possible ! Cela se boit avec des glaçons et on peut couper avec de l’eau. De toute façon, ce qui m’intéresse moi, c’est la nourriture. Bien sûr, on ne choisit pas mais nous commençons avec 4 petits plats différents et après une deuxième tournée, 3 de plus. On grignote, on sirote, on écoute les 2 musiciens qui se sont installés à côté et on profite !!!!
Samedi 21 avril : repos à Volos et sortie à la briqueterie.
Ce matin, c’est repos. Chacun se lève comme il veut et vaque à ses occupations. Mais si on ne dit pas aux enfants de prendre le petit déjeuner, ils n’y pensent pas, trop occupés à s’inventer des jeux et des histoires. Et, après ils hurlent qu’ils ont faim.
Il faut pas mal d’énergie et d’arguments pour arriver à avoir tout le monde en état de sortir en milieu d’après midi (« mais on avait dit que c’était une journée de repos ? pourquoi on va dehors ??? « ). Et pour garder de la motivation, il faut varier les visites bien sûr : pas question de faire tous les musées archéologiques de Grèce, on se réserve pour Athènes. Mais à Volos, il y a une ancienne fabrique de brique reconvertie en musée. En général, les grosses machines, ça plait toujours. Le musée n’est pas très loin et surprise, si on a 3 enfants, c’est gratuit !
Le musée est extrêmement bien fait. Les machines sont restées en place. On peut suivre le cheminement et le traitement des matières premières. Il y a aussi de petites maquettes motorisées très pédagogiques. Bref, un régal.
Le moment fort concerne la visite de l’intérieur du four. C’est un immense dôme ovale divisé en compartiments. Entre l’entrée et la sortie d’une brique, il s’écoulait environ une semaine. Pour faire face à l’important besoin de brique, le cycle de cuisson avait été optimisé pour augmenter la production. L’ alimentation en charbon du feu se faisait en continu, par le toit, et celui-ci se déplaçait en fonction du remplissage/vidage des compartiments. Explication : Lorsqu’on remplissait un compartiment, c’est que celui-ci se trouvait à l’opposé du feu (donc au point le plus froid du four). L’alimentation du foyer était ensuite décalée d’un compartiment. Les nouvelles briques montaient ainsi progressivement en température. Le nouveau compartiment à l’opposé du foyer pouvait alors être vidé de ses briques et remplit avec de nouvelles briques. Puis le feu était de nouveau déplacé d’un compartiment. Et ainsi de suite. Le remplissage du compartiment était un point crucial du dispositif. Il fallait mettre un maximum de brique tout en permettant la circulation de l’air chaud qui permettait la cuisson des briques.
Nous passons tellement de temps dans le musée que nous finissons par nous faire sortir par le gardien. Direction une boulangerie réputée de Volos (il parait que les habitants du Pélion descendent de leur village pour venir y acheter des tartes). Nous y faisons le plein de biscuits mais nous sommes un peu déçus par le pain. Il faut dire qu’en Grèce, mieux vaut acheter son pain le matin. En fin de journée, les rayons sont vides. Il ne reste souvent que le pain qui a été réservé par les habitués. Il n’y a pas de nouvelles fournées en fin d’après midi : une bonne façon de ne pas gaspiller.